
Vous faciliter le réemploi | Rencontre avec Charlène BEAUDAIRE, Murmur Réemploi
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Adhérent
NOVABUILD
MURMUR REEMPLOI
ASSOCIATION DE PROFESSIONNELS (cluster, pôle, organisation professionnelle, ...)
NANTES (44200)
Témoignages

Bonjour Charlène BEAUDAIRE, comment allez-vous dans cette période de crise sanitaire et diplomatique, doublée d’incertitudes économiques, sans oublier la crise climatique qui s’accentue ?
Bonjour à vous également. La crise sanitaire est survenue juste après avoir créé ma première entreprise La belle ère, dont j’ai été amené à décaler le lancement.
Depuis, l’activité se porte bien puisque j’ouvre une nouvelle page à cette activité. Mon domaine étant le réemploi, nous sommes effectivement très impactés par la crise des matériaux, mais pour nous c'est plutôt dans un sens positif. Cette période peut représenter un effet de levier pour des changements de pratique.
Pouvez-vous vous présenter, et nous communiquer vos 3 points forts personnels et professionnels ?
Je pense que je suis à la fois déterminée et passionnée par le sujet que je porte, celui du réemploi des matériaux. Je ne lâche pas le morceau !
Je pense également être quelqu'un d'adaptable et créative, capable d’ouvrir une page blanche, de prendre des risques, et qui essaye d'embarquer tout le monde sur une pratique ou tout est à réinventer.
Ma manière de travailler consiste à pousser les sujets.
Pouvez-vous nous raconter pourquoi vous avez créé votre structure dans le domaine du réemploi?
J’ai à l'origine une formation d’ingénieure en éco-bâtiment, à l’Ecole des métiers de l'environnement de Bruz (près de Rennes-35).
J’ai travaillé ensuite chez Green affair à Paris comme AMO environnement. J’y suis restée 7 ans. J’y ai développé le sujet de l’économie circulaire durant les dernières années. J’ai participé aux émergences sur ce sujet à Paris, j'ai pu intégrer des groupes de travail, avoir des premiers retours d’expérience et testés des méthodologies pour la réalisation de diagnostic ressources par exemple.
Je suis originaire de Rennes, et comme beaucoup, j’ai voulu revenir dans l'Ouest. C'était en 2019, et j’ai constaté qu’à cette époque il n’y avait pas vraiment d’emplois, en AMO réemploi dans notre région. C'est alors que mon ancien manager m’a conseillé de me lancer et de créer ma propre activité : La belle ère. C’est ce que j’ai enclenché en m'installant à Nantes en octobre 2019. En parallèle, j’ai eu la chance de travailler 6 mois avec Simon Davies et son équipe d’AIA environnement avec lesquels je suis restée en contact.
La belle ère a été un projet riche et stimulant. Au bout de 3 ans d'activité sur le territoire, j’ai voulu me lancer dans un nouveau projet en collectif, avec deux associés : Noémie Colleu et François Pigeon.
Notre projet est la création d’une SAS (Société par Actions Simplifiée) de l’ESS pour préfigurer une SCOOP (ou SCIC - Société coopérative d'intérêt collectif), cette nouvelle structure s’appelle Murmur Réemploi. Nous sommes présents à Rennes et à Nantes.
Pouvez-vous présenter l’activité de La belle ère et celle de Murmur Réemploi ? ?
La Belle Ere était une société de conseil en économie circulaire et en réemploi des matériaux. Elle accompagnait les maîtrises d’ouvrage, mais aussi les maîtrises d’œuvre ou les entreprises, dans leurs projets incorporant du réemploi. Ce qui m’intéresse est d’aller au-delà du diagnostic et mettre en place de véritables démarches de réemploi sur site, en phase opérationnelle.
Quant à la nouvelle société Murmur Réemploi, elle s’inscrit dans la continuité de La belle ère : du conseil et de la coordination, et vient s’ajouter également une nouvelle brique : faire de l’achat/revente avec une possibilité de stockage, ainsi qu'à élargir le périmètre sur les équipements et le mobilier professionnel.
Elle a 3 domaines d'action : le conseil, la coordination et la récupération et redistribution de matériaux.
Nous allons continuer à développer la coordination de chantier pour l’évacuation et l’organisation des flux, l’animation des acteurs et des partenaires, ainsi que et la collecte. Cela pourra passer par exemple par l’organisation des ressourceries éphémères que j’anime déjà et qui me tient beaucoup à cœur.
Le scénario le plus vertueux est le réemploi sur site. Nous accompagnons les entreprises à toutes les étapes y compris dans la dépose et la repose directement sur les chantiers et pour ce volet je m’appuis souvent sur des partenaires locaux comme par exemple OCEAN, ARTICONNEX, Ecrouvis. Le but est de travailler avec l’écosystème du réemploi présent sur le territoire.
Matériaux stockées pour du réemploi ©BenjaminRullier
Quel est votre rôle, votre contribution au sein de Murmur Réemploi?
Je dis souvent que je suis coordinatrice de bon sens.
Le réemploi c’est du bon sens, c’est logique, c’est historique, même si ce n’est pas forcément dans les habitudes aujourd'hui. Cela nécessite de la coordination, trouver une synergie entre les projets et entre les vendeurs et preneurs, c’est mon credo. .
Quels sont les cibles ou les marchés de votre structure ? Quelle est sa place sur son marché ?
Nos cibles, ce sont aussi bien le neuf que la rénovation, le public que le privé, le professionnel que l'individuel. Mais cela m’intéresse plus de travailler sur la rénovation car il y a matière à étudier, on peut aller plus loin, c’est tout de suite très concret.
Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?
Il y a des concurrents, qui sont souvent des partenaires. Nous ne sommes pas très nombreux sur ce créneau, mais cela progresse, notamment sur notre territoire et je suis ravie de voir que le réseau s’étoffe. Nous travaillons régulièrement ensemble, soit parce que le projet est important, soit parce que nous avons des activités complémentaires. Les partenaires sont également des sources de gisements et de preneurs. La filière du réemploi ne fonctionne qu’en réseau.
Un de nos éléments de différenciation, ce serait le fait d'être présents dans la phase opérationnelle sur le chantier, le “FAIRE”. La ressourcerie éphémère est aussi un sujet que je porte depuis des années, je suis ravie d’avoir pu le mettre en œuvre récemment.
Quelles sont les 2-3 réalisations dont vous êtes le plus fier ?
En ce moment, il y a le projet du Grand T à Nantes, avec la rénovation et l'extension du théâtre. Nous avons répondu en groupement à un lot réemploi (avec Océan et Stations Services). C’est une démarche innovante aussi bien pour le maître d’ouvrage, le Département de Loire-Atlantique, que pour la maîtrise d’œuvre, AIA.
Nous avons la charge de travailler sur les 3 scénarios de réemploi :
- Réemploi sur site avec la dépose des matériaux pour qu’ils soient réemployés dans le futur projet.
- Réemploi hors site pour les matériaux qui ne pouvaient pas être repris sur place, avec la création d’une ressourcerie éphémère.
- Et le sourcing, notamment en charpente bois, 800m² de bacs acier, du parquet et 9 000 ampoules grillés.
Nous travaillons aussi avec le département sur un projet de déconstruction à Blain. Nous avons fait la connexion entre les deux projets pour que les charpentes de Blain viennent sur le Grand T… et la boucle est bouclée !
Photo réalisée par ©BenjaminRullier, mise en page réalisée par AIA
Je peux aussi parler de mon premier gros projet, qui était situé à Pau avec un maître d’ouvrage public. Le bailleur social Pau Béarn Habitat avait le projet de déconstruire 112 logements pour créer un parc. J’ai réalisé le diagnostic ressources avec plusieurs scénarios de réemploi qui ont tous été suivis par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre d’exécution Antea Group. Nous avions organisé deux éditions de ressourcerie éphémères. Les 150 menuiseries PVC en double vitrage sont aussi parties vers une association locale pour couvrir une serre. Un chouette projet sur lequel on a pu expérimenter plusieurs scénarios de réemploi avec succès !
Reprise de matériaux à Pau
Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D ? (Effectif dédié à la R&D, brevets, ressources matérielles, philosophie, etc…)
Chaque projet est un peu innovant pour mes clients, c’est un challenge et cela demande de la sensibilisation.
A titre personnel, j’échange régulièrement avec des acteurs du réemploi pour m'alimenter. Le réseau 3R de NOVABUILD expérimente pas mal de choses, je suis cela de près car on ne peut pas tout expérimenter soi-même, il faut s’appuyer sur ce que font les autres acteurs et les autres territoires.
Votre structure intègre-t-elle une démarche d’atténuation, d’adaptation, de transformation, face aux dérèglements climatiques ?
Je pense que les matières premières vont devenir de plus en plus chères et de plus en plus rares. Les gens se tournent un peu plus vers le réemploi. C’est une alternative qui est de plus en plus considérée. C’est comme pour la mise en déchet qui va devenir de plus en plus coûteuse. Construire du neuf et mettre en benne ne coûtent pas, à mon sens, encore assez cher par rapport à l'impact que cela a sur l’environnement, mais je suis persuadé que nous sommes dans un processus de prise de conscience, et cela constitue des leviers pour le réemploi.
Pourriez-vous nous faire part d’engagements que vous avez pris personnellement, ou en tant que dirigeant d’entreprise, en lien avec les questions climatiques ?
Qu'entendez-vous par engagement personnel ? Arrêter de prendre l’avion par exemple ? C'est le cas.
Je n’achète plus de vêtements neufs, j’organise des trocs avec des amies et amis. Pour l’aménagement que je fais chez moi, j’achète en réemploi. Et quand je n'ai pas le choix, je dois bien le dire, cela me pèse vraiment d’acheter du neuf.
Quelle vision portez-vous sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ? Quelles tendances voyez-vous émerger ?
Je pense que je suis dans ma bulle. J’ai l’impression que toutes les constructions se font en bois et matériaux biosourcés, mais on en est loin. Il faut encore une prise de conscience générale pour y arriver. Les leviers économiques seront déterminants. J’ai récemment fait une mission d’observation en déchetterie. Je me suis rendu compte que le béton est enfoui dès qu’il est mélangé à d’autres matériaux, ainsi que le plastique. Ils ne sont pas recyclés. C’est désolant.
Les filières de collecte de plâtre et d’isolants ne sont pas encore assez développées, et c’est encore pire pour les menuiseries. On gâche une quantité incroyable de matériaux réutilisables et qui ont coûté cher en carbone pour être produit.
Reprise de matériaux ©BenjaminRullier
Une question maintenant sur votre territoire. Quel est votre port d’attache ? Est-ce que vous pouvez décrire votre relation à ce territoire ? Ce qu’il vous apporte ? Ce que vous lui apportez ?
Mon port d’attache, c’est le SOLILAB à Nantes. C’est un lieu où il se passe beaucoup de choses. Nous y sommes avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire, avec lesquels il est très riche d’échanger.
Mon territoire, c’est le grand Ouest, la Bretagne et les Pays de la Loire. Je suis en lien avec les acteurs du réemploi de ce territoire. Les relations y sont très riches. Cela passe parfois simplement par un coup de fil, pour avoir du recul et des conseils.
Auprès de qui ou de quoi allez-vous puiser votre énergie quand vous en avez besoin ?
J’ai un jardin. Il m’aide à sortir du tunnel. Et le fait de mettre la main à la terre me permet de me vider la tête et de prendre du recul.
Et puis, j’ai des amis, des amis qui sont dans des structures parallèles, très proches de ce que nous faisons. Ils m’aident beaucoup, je puise chez eux un soutien amical et professionnel.
Et le pas-de-côté que vous n’avez pas encore fait que vous aimeriez faire ?
Le pas de côté sur les projets, on le fait pas mal avec le réemploi, non ?
C’est un peu ce qu’on fait en choisissant de créer notre propre structure.
Je me réinterroge tous les ans pour me recentrer sur ces questions. L’idée est de rester sur l’objectif initial, de ne pas oublier pourquoi on fait ça et ne pas s’écarter des valeurs sociales et environnementales que l’on veut porter.
Vous êtes membre de NOVABUILD, quels bénéfices en retirez-vous ?
L’année 2022 a été un peu particulière. J’ai fait une pause pour des raisons de santé. J’ai loupé quelques réunions, et pourtant je suis agréablement surprise du réseau que NOVABUILD m’a apporté. Cela fait du bien, même si une demi-journée de réseautage dans une semaine, c’est énorme. Cela permet d’échanger de façon informelle, il y aussi les retours d'expérience qui sont hyper-riches.
Je vous remercie d'avoir répondu à ces questions
Propos recueillis par Pierre-Yves LEGRAND, directeur de NOVABUILD, le 21 octobre 2022
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