Bonjour Lola DUMESNIL, tu es cheffe de projets bas carbone et résilience de Novabuild depuis septembre 2022. Pour commencer cet entretien, j’aimerais te demander comment ça va ?

Ça pourrait être difficile de répondre à cette question dans le contexte actuel, car on a du mal à entrer dans un imaginaire positif. Mais en fait, cela va plutôt bien, notamment car j’ai participé le week-end dernier à un atelier qui m’a amenée à me projeter dans la vie comme citoyenne en 2050. Ça fait du bien de concevoir le futur de cette façon, avec un imaginaire positif, pour se rappeler l’objectif qu’on va atteindre, en imaginant la marche à suivre et surtout, finalement, en prenant conscience que le monde de demain peut être heureux.

J’aimerais que tu te présentes, et nous communiques tes 3 points forts personnels et professionnels ?

Je m’attendais à la question, alors j’ai fait une antisèche… Je dirais que j’accorde de l’importance aux liens humain qui font que les projets sont tels qu’ils sont. Il y a quelque chose de magique là-dedans, d’unique en tout cas. J’aime bien aussi anticiper et imaginer les différentes voies possibles.

Et si tu nous donnais quelques mots clé pour définir ta personnalité ?

Ce serait la coopération, la stratégie, le côté aligné, et la justice.

Peux-tu nous raconter pourquoi tu as rejoint Novabuild ?

Très concrètement, j’avais besoin d’être alignée entre mes valeurs et mon activité professionnelle, et Novabuild me donnait le moyen de l’être, de mettre ce que je savais faire au profit d’une cause qui me semblait importante. De plus, je trouve hyper intéressant d’être en relation avec tous les acteurs de la profession aux différents échelons qui sont les leurs pour comprendre leur logique et problématique, et sur un grand nombre de projets aux typologies et attentes très différentes.

Peux-tu nous raconter ce que tu avais fait avant ?

Je démarre avec Novabuild ma vie professionnelle. Donc, avant, j’ai fait des études. J’ai fait un double cursus d’ingénieure et architecte. Cela m’a amenée à passer par différents secteurs : en bureau d’études environnement et structure, en agence d’architecture, en agence d’urbanisme et en laboratoire de recherche en urbanisme.

Pourrais-tu décrire l’objectif de ta mission à Novabuild ?

Ma mission consiste à accompagner la transition des professionnels de la construction au monde de demain. Cela passe par décrypter les enjeux et accompagner leurs changements de pratiques, notamment les maîtres d’ouvrages.

Peux-tu nous présenter de façon succincte le contenu de ta mission ?

Comme je l’indiquais à l’instant, je suis d’abord amenée à décrypter les enjeux. Cela m’amène à mettre à la disposition des professionnels des informations pour qu’ils aient une connaissance des impacts de leurs ouvrages et des enjeux. Par exemple, je précise dans le détail en quoi la profession est carbonée et prédatrice de ressources, et pourquoi nous jouons un rôle majeur dans l’adaptation, mais aussi pourquoi nous devons prendre soin de la biodiversité et s’en inspirer pour trouver des solutions aux enjeux précédents. Ce travail donne des éclairages précis sur les meilleurs leviers à activer pour avoir l’impact le plus élevé.

Et puis, le mot clé, c’est accompagner. Accompagner, ce n’est pas faire à la place, ni conseiller. Cela consiste à aider mes interlocuteurs à structurer leurs objectifs, à trouver les bonnes personnes ou les bonnes ressources sur lesquelles s’appuyer, à mener à bien leur projet conformément à leurs objectifs, etc.

Atelier participatif animé par Novabuild au festival Low-tech, le 23/06/2023

Et au quotidien ? Peux-tu nous raconter ta journée par exemple ?

J’élargirais plutôt à la semaine dernière.  J’ai fait une intervention vendredi dernier sur le ZAN, pour poser les enjeux et ouvrir un débat avec les adhérents. La veille, j’avais animé un webinaire sur les solutions d’adaptations fondées sur la nature (voir le replay), avec l’Office Français de la Biodiversité et l’aménageur ALTER. 

J’alimente en ce moment le panorama de la Construction Durable de Novabuild qui consiste à sélectionner des projets exemplaires et les valoriser sur un outil cartographique. Je synthétise les informations sur ces projets dans des fiches que j’insère dans une cartographie, dans le but de diffuser les bonnes pratiques.

Dans cette même semaine, j’ai participé à un forum de l’achat responsable qui m’a permis de faire connaitre nos actions à des maîtres d’ouvrages publics pour faire émerger des projets vertueux.

Je travaille aussi en ce moment sur un projet structurant de territoire pour le compte de Nantes Métropole. Ce projet au nom de DREC, consiste à travailler sur le carbone incorporé dans la construction à l’échelle de la métropole, dans la perspective de contribuer à la neutralité carbone du territoire. Nous avons organisé plusieurs rencontres créatives et collaboratives avec les professionnels. Je travaille en ce moment sur la matière issue des ateliers pour en faire la synthèse, et en tirer des conclusions de façon à informer la métropole pour qu’elle mette en place des actions conformes à l’objectif et compatibles avec la faisabilité de la part des professionnels.

C’est enthousiasmant de voir autant de professionnels prêts à se mobiliser et faire des choses ensemble. Notre action consiste à susciter l’émergence d’une grande quantité d’idées, ce qui est particulièrement réjouissant, et ça le sera encore plus de les faire aboutir.

Atelier DREC « Nantes Métropole, territoire zéro carbone », le 06/10/2023

Tu es aussi en charge de projets transversaux à Novabuild. Tu pourrais nous en dire quelques mots ?

Effectivement, je viens d’achever le pilotage du premier bilan carbone de Novabuild, réalisé par notre prestataire Goodwill management. Je suis en train de finaliser le plan d’actions qui va en découler. Nous avons travaillé une journée en équipe pour identifier les zones sur lesquelles nous devons encore agir. Même si nous sommes vigilants, on a par exemple du mal à rendre compte de nos efforts sur les achats de prestations, et nous ne maîtrisons que très peu les modes de déplacements des participants à nos évènements qui représente l’essentiel de notre scope 3 (impact indirect).

Je travaille sur un autre sujet transversal. Je pilote le collectif Novabuild en Maine-et-Loire, ce qui m’amène régulièrement à être en relation avec les membres de Novabuild installés en Anjou, pour les accompagner dans l’organisation d’événements dans le département sur des thématiques qu’ils ont choisies. Ils ont le souhait d’être ancrés dans des problématiques locales, et partent de ce qui se fait localement pour faire avancer les choses.

Atelier interne sur le Bilan carbone de Novabuild, animé par Goodwill management

Parlons justement de l’association, qu’est -ce que tu peux apporter aux adhérents ? A quel moment peuvent-ils te contacter, et pour faire quoi ?

Ils peuvent m’appeler s’ils cherchent des ressources, ou s’ils souhaitent être mis en relation sur des sujets en rapport avec projet de construction, ou s’ils ont un projet structurant et qu’ils veulent qu’on y réfléchisse. Cela peut être un projet unique, ou un projet réplicable.

Ils peuvent aussi m’appeler pour me tenir informé d’un savoir-faire, ou d’un projet en cours sur les sujets qui sont les nôtres (en lien avec l’atténuation et l’adaptation au dérèglement climatique ou avec la préservation des ressources ou de la biodiversité). Dans une association comme Novabuild, nous ne sommes rien sans les adhérents. Je m’appuie tous les jours sur leurs compétences et leur expertise technique, notamment quand j’anime le « RE 2020 à votre écoute ». Je reçois parfois des questions techniques très pointues et je m’appuie sur nos adhérents-experts. D’une certaine façon, je facilite l’entraide entre les adhérents.

Comment est-ce que tu travailles au quotidien avec ta collègue Margot Schultz, cheffe de projets rénovation-réhabilitation ?

Dans les faits, nous suivons des projets différents, dès qu’il y a un focus très technique sur un projet, c’est plutôt Margot, notamment sur les biosourcés, et si le focus est très carbone, ce sera plutôt moi. Je suis plutôt sur le décryptage des enjeux globaux, et je travaille facilement avec les collectivités sur une vision globale détachée de projets en particulier.

Selon toi, quelles sont les atouts que tu apportes en complémentarité à l’équipe opérationnelle de Novabuild ?

J’aime bien me plonger dans des chiffres et prendre le temps de faire des présentations exhaustives et précises pour faire le tour d’une question, c’est mon côté ingénieure, et puis, j’aime analyser un problème et en faire une synthèse.

Justement, quel est ton regard sur cette équipe ?

L’équipe de Novabuild est vraiment géniale, hyper dynamique et soudée. On se comprend très très bien et très très vite. Nous partageons beaucoup d’idées, et ce que nous voulons apporter à la profession. Et il y a ce côté dynamique, avec notre tendance d’être un peu touche à tout, ce qui fait qu’au quotidien il n’y a pas vraiment de domaine réservé, il y a plutôt un jeu collectif.

Equipe opérationnelle de Novabuild

Quelles sont les 2-3 réalisations dont tu es la plus fière ?

J’ai peur d’en oublier. Allez, je me lance.

Je voudrais d’abord évoquer Romain Marten qui a créé le poste de chef de projets bas carbone et résilience de Novabuild. J’ai un bel exemple à puiser dans les réalisations de Romain, notamment avec Parcours ABC. Je m’appuie sur beaucoup de choses qu’il a construites.

Et donc, d’être arrivée dans l’équipe un mois après le départ de Romain, à un moment où il y avait un vrai besoin et une attente de pas mal d’interlocuteurs, il fallait tout de suite prendre la place. Et je suis fière d’avoir pu répondre à cela dans des délais rapprochés. Pour moi cela a été très instructif.

J’ai animé pour la première fois un atelier participatif à l’occasion de l’atelier confort d’été au salon low-tech. J’y ai pris plaisir, et nous avons capitalisé sur la forme et le fond, du coup, cela a été utile, car nous pouvons reproduire le format. Passer un bon moment et me projeter vers des univers positifs, me motive fortement. J’ai d’ailleurs hâte de reproduire un atelier d’un format similaire lors du congrès national du bâtiment durable à Montpellier prochainement.

J’ai fait à plusieurs reprises des interventions pour présenter la RE2020, ses enjeux, sa mise en œuvre, les différentes étapes, etc. Par exemple au 1er anniversaire de la RE2020 organisé par Novabuild en début d’année, ou à l’Univershifté de Nantes, ou même en webinaire ou dans une agence d’architectes. J’ai à chaque fois de bons retours. C’est utile et cela aide les professionnels à mettre du concret et donner du sens. Cela aide à comprendre pourquoi il faut faire des efforts.

Intervention de Lola DUMESNIL aux Univershiftés 2023

Quelle vision portes-tu sur l’avenir du bâtiment, de la ville, des aménagements ?

Globalement, ma vision consiste à placer l’humain au cœur de nos activités. L’humain comme acteur lui-même de la transformation de son cadre de vie, avec ses besoins essentiels qui sont satisfaits, tout en respectant le reste du vivant, et des ressources.

C’est une vision très optimiste, qui repose aussi sur une vision de ce qu’on appelle les Communs.

Dans mon esprit, les besoins essentiels devraient être considérés comme des biens communs, pour assurer un épanouissement à chacun qui s’investit pour la collectivité.

C’est par les interactions humaines et les rencontres, qu’émergent et se concrétisent les projets. Encore plus demain qu’aujourd’hui, on fera un projet car on connait quelqu’un qui a les matériaux, le savoir-faire et les ressources pour le mener à bien.

Et si tu avais un rêve, ou une baguette magique, tu en ferais quoi ?

Commençons par Novabuild, avec ma baguette magique, je fais en sorte que tout le monde vienne à nos événements à vélo ou en train (rires).

Et dans un horizon plus lointain, la baguette magique pourrait faciliter la remise en question de choses qu’on croit indispensables, et dont on n’a en fait pas vraiment besoin, comme par exemple aller très très vite pour se rendre à une réunion, ou avoir un bâtiment dont les températures sont toujours entre 19 et 22° toute l’année sans tenir compte de l’usage qui en est fait, ou des conditions extérieures.

Un mot à rajouter ?

Ensemble on va y arriver.

Je te remercie d'avoir répondu à ces questions.

Propos recueillis par Pierre-Yves LEGRAND, Directeur de Novabuild, le 21 novembre 2023

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