La Salle à Tracer, les bureaux d'AIA Life Designers à Nantes
Ce projet a fait l'objet d'une visite de chantier en mars 2016, organisée par Novabuild en présence des acteurs du projet.

Erigée dans les années 1920 à Nantes sur les bords de Loire, ce haut et singulier bâtiment constitué autrefois de béton fait aujourd’hui figure de témoin des activités industrielles de la ville portuaire. Ce hangar était le lieu où, jadis, des dizaines d’hommes « traceurs » de formation, dessinaient le développé de pièces de bateaux à l’échelle 1, et ce jusqu’en 1969. Depuis entretenue et protégée par son propriétaire Jacques Fétis, La Salle à Tracer finit par séduire le cabinet d’Architectes et d’Ingénierie AIA Life designers qui, conquit par l’âme du lieu, y voit un fort potentiel de réhabilitation. Rénové, le bâtiment est devenu depuis fin 2016, le siège du cabinet.
Les acteurs du projet
- Maîtrise d’ouvrage : Jacques Fétis – SCI CRUCY
- Maitrise d'oeuvre :
- Architecte : AIA Architectes
- Ingénierie TCE + l’économie : AIA Ingénierie
- Expertise environnementale : AIA Environnement
- OPC : AIA Management
- Bureau de contrôle et coordonnateur S.P.S : Bureau Veritas
- Acoustique : SERDB
- Entreprises :
- VRD/Aménagement extérieurs : BLOT
- Déconstruction / Désamiantage / Gros-œuvre / Charpente : Gpt d’ent. Chézine Bâtiment / SEGGO SAS / Serrufer
- Charpente bois : C.M.B
- Couverture zinc / Bardage : Raimond
- Menuiserie métallique : Castel Alu
- Métallerie : Ateliers David
- Menuiserie bois : A.M.H
- Doublage / Cloison sèche / Plafonds suspendus : Coignard
- Revêtements de sols : S.R.S
- Résine de synthèse : Sol Solution
- Peinture / Revêtement muraux : Durand
- Appareils élévateurs : Kone
- Chauffage / Ventilation / Climatisation / Plomberie Sanitaire : CEME Moreau
- Electricité / Courants forts / Courants faibles : Cegelec Loire Océan
Caractéristiques du projet
- Année : 2017
- SHAB (Surface Habitable) : 2 770 m² dont 460 m² d’extension
- Coût global : 6 millions d'euros HT (hors aménagement).
- Durée du chantier : 18 mois
- Consommation d’énergie :
- Imperméabilité à l’air avec un objectif Q4 < 1,2 m3/h/m².
- Transmission thermique :
- Façade, parties opaques : U= 0,28 W/m².K
- Parties transparentes : U= 1,4 W/m².K en moyenne
- Toiture : U= 0,14 W/m².K
- Plancher sur terre-plein : U= 0,20 W/m².K
- Niveau de performance : RT 2012 et démarche de certification Haute «NF Bâtiments tertiaires et démarche HQE »
- Principaux matériaux utilisés : Béton, zinc, verre
- Localisation : 7, boulevard de Chantenay, 44109 Nantes
- Innovations : Technologie de captage de calories de l’eau immergée dans la Loire
- Autres points remarquables : Plancher classé au patrimoine Nantais

Maître d’oeuvre de l’opération, AIA Associés a assuré ce projet d’extension/réhabilitation du bâtiment dans le but d’y loger son activité nantaise et ses collaborateurs (architectes, économistes, ingénieurs, conducteurs de travaux, etc.).
Ce projet conçu avec le maître d’ouvrage et le propriétaire des lieux - Jacques Fétis - et en lien avec des acteurs décisionnels du territoire (Nantes Métropole, Direction du Patrimoine, Direction du Développement Urbain, Architectes des Bâtiments de France, etc.) et qui comporte des contraintes spécifiques (inondabilité, sismicité, etc.), se veut exemplaire en termes d’architecture (lisibilité de l’écriture originelle et apport d’un langage moderne), de dialogue avec le contexte « industriel » en mutation mais aussi de recours aux énergies renouvelables, d’économie thermique globale (RT 2012 -50%) et d’utilisation de matériaux biosourcés comme le bois.
Une solution de chauffage inédite en Loire
Fin 2016, l’agence nantaise du groupe AIA ASSOCIES s’installe dans le bâtiment réhabilité et étendu de l’ancienne salle à tracer des anciens chantiers navals Dubigeon dans le quartier du Bas-Chantenay. Un projet, complexe et exemplaire en termes d’architecture, de chantier de réhabilitation patrimoniale, d’utilisation de matériaux biosourcés et de recours aux énergies renouvelables. Notamment, une technique innovante de chauffage géothermique tire profit de la proximité de la Loire grâce à des capteurs immergés sous l’infrastructure du quai existant.
« Gabarit mimétique, figure signalétique, volume acier corten suspendu, façade grille 1920, béton originel « réparé », le bâtiment devient une ruche presque transparente pour capter le contexte ligérien. Conserver ou détruire, transmettre, substituer, modifier, altérer, muter… une dialectique excitante et vivifiante pour les architectes ingénieurs du collectif AIA dans la ville palimpseste. »
Rencontre avec l'architecte
Propos publiés pour la première fois en janvier 2018.
Novabuild : Pouvez-vous nous présenter votre société ?
Hélène Ickx, Architecte-Ingénieure au pôle Recherche et Développement – AIA Life Designers :
La société Nantaise AIA Life Designers a été fondée il y a maintenant 52 ans. Nous sommes aujourd’hui plus de 630 salariés, en France et en Chine et figurons à l’ordre national des architectes. Nous sommes spécialisés dans l’élaboration de bâtiments de tous types et toutes complexités dans l'idée de bonifier en permanence le travail des architectes via l'apport des ingénieurs. Nombreux de nos collaborateurs ont d'ailleurs aujourd'hui, si ce n'est le double diplôme, cette double culture, c'est une de nos grandes forces.
Ce mariage de compétences a rapidement permis à AIA Life Designers de faire des projets complexes alliant architecture et ingénierie, source d'efficience dans nos projets. Si nous étions initialement spécialisés dans la conception d’hôpitaux et cliniques, la société a décidé d’élargir ses domaines d’activité sur trois autres filières :
- L’enseignement et la recherche
- Les ilots mixtes
- Les villes ressources (équipements urbains particulièrement techniques)
AIA Life Designers intervient sur ces opérations de la conception sous maquette numérique au suivi des chantiers. Parmi ses projets en cours, on peut citer l’hôpital princesse-Grace de Monaco ou encore le Grand Hôtel Dieu de Lyon.
Novabuild : Quels sont selon-vous, les facteurs qui contribuent à votre réussite ?
Hélène Ickx :
Ce qui fait la réussite du groupe AIA aujourd’hui c’est avant tout notre côté très hybride. Nous sommes parvenus à mixer architecture et ingénierie depuis l’origine et sommes depuis toujours amenés à collaborer entre architectes et ingénieurs, ce qui nous confère une grande efficacité.
Globalement, nous sommes une société qui innove beaucoup, sur nos projets hospitaliers comme dans d’autres. Via notre ingénierie, nous sommes à même d’intégrer assez rapidement de nouveaux concepts dans nos projets d’architecture, ce qui rend notre travail plutôt pertinent.
Le groupe AIA détient par exemple un certain leadership en France sur les projets d’immeubles bois de moyenne et grande hauteur, qui représentent une vraie tendance aujourd’hui. Preuve en est le bâtiment de la Direction Départementale des Territoires de la Mer qui a été grand prix français de la construction bois cette année et nominé au prix national de la construction tertiaire au salon du SIMI 2017.
Novabuild : Quelle place accordez-vous à l’innovation et à la R&D? (effectif dédié à la R&D, brevets, ressources matérielles, philosophie, etc…)
Hélène Ickx :
L’innovation fait partie de notre identité et c’est un domaine pour lequel nous travaillons beaucoup. Au sein du groupe, une équipe de 5 personnes est entièrement dédiée à la R&D. Cette équipe travaille sur des opérations de recherche de nouveaux concepts, de nouveaux procédés constructifs ou de nouvelles fonctionnalités dans les immeubles qui pourraient faire appel à de la science humaine.
Nous développons en ce moment une thèse avec l’université de Bordeaux (thèse rattachée à AIA ingénierie Bordeaux) sur des immeubles de hauteur 5 à 6 niveaux en pierre de taille, sans béton armé. Une méthode de calculs inédite nous permet désormais de concevoir ces immeubles « en refends auto-stables en pierre massive» sous effets du vent et du séisme, grâce notamment à nos travaux de thèse débutés il y a 4 ans et qui sont soutenus par l’agence nationale de la recherche. On est ici dans des temps de R&D longs, mais les résultats en passe d’être obtenus nous ouvrent des opportunités considérables en matière d’éco-construction.
Avec cette nouvelle technologie, nous sommes d’ailleurs lauréat d’un premier concours et sur le point de construire : l’office du tourisme de Blaye (33). Nous sommes partenaires sur ce projet en Aquitaine de l’Entreprise BONNEL avec laquelle nous étions lauréats de l’Appel à Projet innovant Novabuild il y a 4ans (nom du concept : PREMICE).
Novabuild : Quelles sont selon-vous les tendances de votre marché pour les années à venir ?
Hélène Ickx :
Pour les années à venir, notre marché de la conception est amené à beaucoup évoluer. Nous sommes en train de passer d’une architecture de design à une architecture d’usage. C‘est donc à nous de comprendre les nouveaux usages des individus avant même de concevoir un bâtiment. Typiquement, on observe encore aujourd’hui une offre qui a tendance à être stéréotypée et qui ne correspond plus réellement aux attentes de la société. Non seulement, la famille standard n’existe plus (familles recomposée, monoparentales etc.) mais on observe aussi un frein du côté de l’accès au logement (accessibilité budgétaire, cautions systématiquement demandées, etc.). Aujourd’hui, on voit clairement se développer une nouvelle offre qui répond à ces nouvelles envies et besoins de co-living, d’espaces modulaires, reconvertibles, de configuration de logements moins stéréotypés, d’accessibilité budgétaire, le tout adaptable à l’architecture. Ces changements nous imposent une veille permanente sur les pratiques et envies de la société, ce que l’on appelle aussi, le design-thinking.
Le projet la Salle à Tracer
Novabuild : Pouvez-vous nous décrire la particularité de ce projet ?
Hélène Ickx :
Au départ c’est une volonté du groupe de revenir au centre-ville. Nous étions situés dans les faubourgs de Nantes à Saint-Herblain, au sein d’un bâtiment construit dans les années 60. Ce que nous voulions, c’est nous rapprocher de la « ville en mouvement ». En venant dans le bas Chantenay, on arrive dans une zone qui va être complètement repensée dans les années à venir et avec un énorme potentiel de reconversion.
Cette opportunité s’est présentée à nous grâce à monsieur Jacques Fétis, propriétaire des lieux, qui s’est montré prêt à jouer le jeu avec nous en nous laissant concevoir un bâtiment qu’on lui louerait pendant une période assez longue. Nous avons donc entamé la construction de nos futurs locaux sur ce lieu atypique. A l’origine, il s’agissait d’un ancien atelier des chantiers Dubigeon, appelé aussi la Salle à Tracer. Dans les niveaux d’étages, les compagnons traçaient des gabarits en bois pour ensuite découper des tôles et construire les coques de navires. D’ailleurs, juste à côté de l’immeuble, on peut encore observer la rampe de lancement des bateaux qui sortaient d’ici.
Novabuild : Quels sont les principaux freins rencontrés ? Les leviers utilisés ?
Hélène Ickx :
Nous avions besoin de surface complémentaire. Nous avons donc gardé le même gabarit qu’au départ et avons étendu le bâtiment sur une longueur de 25 mètres environs. Cet espace ajouté est aujourd’hui visible côté rue du bas Chantenay et nous permet d’avoir un lieu d’accueil et des salles de réunion. L’enjeu ici était de conserver au maximum l’écriture simple et pure du lieu.
Nous avons aussi dû abaisser de quelques centimètres le premier niveau du bâtiment pour respecter les gabarits de hauteur actuels. Chaque détail a compté au cours de cette réhabilitation. Les planches du parquet ont par exemple été conservées et habillent aujourd’hui notre hall d’accueil.
Le deuxième étage est quant à lui classé au patrimoine Nantais. C’est sur ce parquet que l’on voit encore les traces de découpe des gabarits de tôle et des petites marques en laiton qui permettaient aux compagnons de tracer les gabarits ! Là encore, le parquet a été conservé tel quel. Protégé sous le sol actuel de l’étage, il réapparait par endroits sous des vitres rétroéclairées, de façon à le magnifier.
La charpente elle, avait été posée 80 cm trop basse pour que l’on puisse circuler avec aisance au deuxième niveau. Nous avons donc décidé de la retirer, de la nettoyer, de la traiter anti-rouille pour la mettre en valeur et de la reposer sur les murs rehaussés. La forme générale du bâtiment a ainsi été conservée.
Enfin, nous avons eu le droit d’immerger des capteurs sous l’estacade qui avait était construite pour accoster les bateaux et qui se trouve sur la Loire. Ces capteurs circulent dans un serpentin en plastique de plus de 2km de long et viennent capter des calories dans la Loire. Ce dispositif nous permet de récupérer de la chaleur pour chauffer notre bâtiment. Aujourd’hui, notre facture de chauffage est réduite de 30 % par an !
Ce qui peut sembler être des obstacles et des freins à la construction ont été pour nous de véritables enjeux et défis qui en valent la peine.
Novabuild : D’un point de vue personnel, que retirez-vous d’une expérience comme celle-ci ? Qu’avez-vous appris ? Quelle satisfaction personnelle en retirez-vous ?
Hélène Ickx :
Ce lieu est chargé d’histoire, celle de la construction navale. Nous avions la réelle envie de venir dans un bâtiment ou il y avait eu du travail. L’âme de ce lieu nous a motivé à concevoir l’actuelle Salle à Tracer tout en concevant son identité. Les équipes étaient très intéressées et impliquées pour réinterroger au mieux ce bâtiment et y travailler nous-même par la suite. Finalement, nous représentons une nouvelle génération de travailleurs qui ne tracent plus des lignes de navires, mais des plans 3D en BIM…
Panorama construction durable en Pays de la Loire
Ce projet est à retrouver dans le Panorama de la Construction Durable en Pays de la Loire, cartographie alimentée par Novabuild et recensant les projets inspirants dans la région.